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Complementaire santé

Pourquoi vos tarifs de complémentaire santé devraient augmenter de 5 à 10%…

Chaque année, les tarifs des complémentaires santé (les fameuses mutuelles) augmentent. C’est vrai pour les mutuelles d’entreprise comme pour les mutuelles individuelles. Nous vous expliquons aujourd’hui pourquoi. Et quelles devraient être les augmentations pour 2026.

L’exercice de tarification des contrats de complémentaire santé pour l’année 2026 s’inscrit dans une configuration inédite, marquée par une convergence de facteurs de risques systémiques et conjoncturels d’une rare intensité. Alors que les organismes assureurs – mutuelles, institutions de prévoyance et compagnies d’assurances – finalisent leurs modèles de projection pour l’année à venir, l’environnement législatif demeure plongé dans une incertitude radicale, conséquence directe de l’impasse parlementaire entourant le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026.

L’analyse approfondie des données disponibles, des communications des fédérations professionnelles (UNOCAM, Mutualité Française, CTIP) et des projections actuarielles des cabinets de conseil (Addactis, Mercer), permet d’établir un constat sans appel : l’année 2026 sera marquée par une rupture tarifaire historique. Les augmentations de primes ne se limiteront pas aux ajustements techniques habituels liés à l’inflation médicale naturelle. Elles intégreront une « prime de risque politique » majeure, destinée à anticiper les effets d’un budget de la Sécurité sociale qui, qu’il soit voté, forcé par le 49.3 ou appliqué par ordonnances, actera un désengagement massif de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) au profit des organismes complémentaires (AMC) et des ménages.

Cet article démontre que les indexations tarifaires pour 2026 révéleront une fracture nette entre les contrats collectifs (entreprises), dont les hausses devraient osciller entre +3,6 % et +9 %, et les contrats individuels, exposés à des majorations plus violentes pouvant atteindre +10 % à +12 %, voire davantage pour les populations seniors. Cette inflation est la résultante mécanique de trois vecteurs : une dérive de la sinistralité (consommation médicale en hausse de +7,3 %), un transfert de charges structurel (consultation à 30 €, ticket modérateur dentaire) et un choc fiscal exogène (taxe exceptionnelle de 1,5 milliard d’euros).


L’impasse législative du PLFSS 2026 : un catalyseur d’incertitude tarifaire

La construction tarifaire en assurance repose sur la capacité à anticiper les charges futures. Or, la campagne 2026 se déroule dans un brouillard institutionnel qui contraint les actuaires à modéliser des scénarios « du pire » (Worst-Case Scenario) pour garantir la solvabilité des organismes.

1. Chronique d’un blocage institutionnel inédit

Le processus d’adoption du PLFSS 2026 a révélé une fracture politique profonde, empêchant l’émergence d’une majorité parlementaire stable. Le rejet de la partie « recettes » du texte par l’Assemblée nationale, suivi de l’échec de la Commission Mixte Paritaire (CMP) le 26 novembre 2025, constitue un événement majeur pour le secteur de l’assurance. La CMP, traditionnellement le lieu du compromis final entre députés et sénateurs, s’est déclarée « non-conclusive », renvoyant le texte à une nouvelle lecture dans un climat de tension extrême.

Cette paralysie a des conséquences directes sur le calendrier des assureurs. Légalement tenus d’informer leurs assurés des nouveaux tarifs avant la fin de l’année civile (souvent avec un préavis de 30 jours avant l’échéance du 1er janvier), les organismes complémentaires ne peuvent attendre l’issue finale du vote, qui pourrait n’intervenir que fin décembre via l’article 49.3 de la Constitution ou par ordonnances si les délais constitutionnels sont dépassés.

L’incertitude porte non seulement sur le montant des charges, mais sur leur nature même. L’article 47-1 de la Constitution, activé par le gouvernement face à l’obstruction parlementaire, permet de transmettre au Sénat le texte initial ou amendé, sans vote global de l’Assemblée. Pour les assureurs, cela signifie que la version du texte qui servira de référence pour 2026 risque fort d’être la version gouvernementale initiale, celle-là même qui contient les mesures les plus sévères pour l’équilibre financier des complémentaires, notamment les taxes additionnelles et les transferts de charges, nonobstant les amendements de suppression votés par les oppositions lors des débats.

2. La stratégie de prudence actuarielle face au risque politique

Dans ce contexte de « blocage », les assureurs n’ont d’autre choix que d’appliquer le principe de prudence. Les normes de Solvabilité II imposent aux organismes de disposer de fonds propres suffisants pour couvrir leurs engagements. Si une taxe ou un transfert de charge est « possible » ou « plausible » dans le projet de loi, même s’il n’est pas encore voté, il doit être provisionné.

Ainsi, le blocage politique, loin de geler les tarifs, agit comme un accélérateur d’inflation. Les assureurs intègrent dans leurs appels de cotisations 2026 l’intégralité des menaces contenues dans le PLFSS initial, considérant que le gouvernement utilisera in fine les outils constitutionnels à sa disposition pour faire valider ses objectifs budgétaires de redressement des comptes sociaux. Le pronostic tarifaire pour 2026 ne peut donc pas tabler sur un statu quo législatif, mais doit intégrer la matérialisation des risques les plus élevés identifiés dans les annexes du PLFSS.

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Sinistralité et dérive naturelle des dépenses

Avant même de considérer les mesures nouvelles du PLFSS 2026, il est impératif d’analyser la dynamique sous-jacente des dépenses de santé, qui constitue le socle de l’augmentation tarifaire. Les données de consommation médicale pour 2025 montrent une accélération préoccupante de la sinistralité.

1. L’explosion de la consommation de soins (+7,3 %)

Les rapports de consommation pour l’année 2025 font état d’un bond spectaculaire de la consommation de médicaments et de soins de ville, estimé de 3,4 à +10 %. Cette dérive, bien supérieure à l’inflation générale et à la croissance économique, s’explique par plusieurs facteurs structurels :

  1. L’effet volume et le vieillissement : L’arrivée massive des générations du baby-boom dans les tranches d’âge à forte consommation (75-85 ans) pèse lourdement sur les comptes. La prévalence des Affections de Longue Durée (ALD) augmente, entraînant une consommation induite de soins courants (non pris en charge à 100 % par l’AMO) qui reste à la charge des complémentaires.
  2. Le rattrapage post-crise et la santé mentale : On observe une persistance des effets de la crise sanitaire sur la santé mentale, générant une consommation accrue de psychotropes et de consultations psychiatriques, postes sur lesquels le reste à charge pour les mutuelles peut être significatif.
  3. L’inflation des produits de santé : L’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie se répercute sur le prix des dispositifs médicaux et des médicaments, une inflation que les industriels tentent de répercuter sur les prix de vente, augmentant la base de remboursement ou le reste à charge.

2. L’ONDAM 2026 : un objectif insincère?

L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) pour 2026 est construit sur des hypothèses d’économies drastiques jugées peu réalistes par les observateurs du secteur. Le sous-objectif « Soins de ville » est fixé à une progression de +2,0 %, alors que la tendance naturelle (« tendanciel ») est bien supérieure.

Pour les complémentaires, cet écart entre l’objectif affiché par l’État et la réalité de la demande de soins est critique. Lorsque l’État contraint l’ONDAM (par exemple en baissant les tarifs de remboursement ou en limitant les volumes remboursés), la dépense ne disparaît pas : elle se déporte vers le secteur à tarif libre ou vers le reste à charge.

Le dépassement quasi-systématique de l’ONDAM (corrigé chaque année par des lois rectificatives) prouve que la maîtrise comptable des dépenses par l’État atteint ses limites. Pour 2025, le déficit de la branche maladie a déjà dérapé à 15,3 milliards d’euros, bien au-delà des prévisions initiales. Cette incapacité à contenir la dépense publique force l’État à transférer la charge, ce qui nous amène au cœur de la problématique tarifaire 2026.


Le grand transfert de charges : anatomie du désengagement de l’AMO

Le PLFSS 2026 ne se contente pas de gérer l’inflation ; il organise un transfert structurel de financement de la Sécurité sociale vers les organismes complémentaires. Ce transfert est le moteur principal de la hausse tarifaire, représentant un coût direct que les mutuelles ne peuvent absorber sans augmenter les cotisations.

1. La nouvelle tarification des consultations médicales (30 €)

L’une des mesures phares, actée par la convention médicale et entrant en pleine application budgétaire, est la revalorisation de la consultation du médecin généraliste à 30 € (contre 26,50 € précédemment).

Bien que cette mesure ait été techniquement validée fin 2024, son impact en année pleine pèsera lourdement sur l’exercice 2026.

  • Mécanisme : Le taux de remboursement de la Sécurité sociale restant fixé à 70 %, l’augmentation du tarif de base augmente mécaniquement la valeur du ticket modérateur (les 30 % restants) à la charge de la mutuelle.
  • Ancien tarif (26,50 €) : Ticket modérateur = 7,95 €.
  • Nouveau tarif (30,00 €) : Ticket modérateur = 9,00 €.
  • Impact : Cela représente une augmentation sèche de +13,2 % de la charge pour la mutuelle sur chaque consultation de généraliste. Compte tenu du volume colossal de ces actes (plusieurs centaines de millions par an), l’impact se chiffre en centaines de millions d’euros à l’échelle nationale. De plus, cette revalorisation sert de référence pour d’autres spécialistes, entraînant un effet domino sur l’ensemble de la médecine de ville.

2. Les nouvelles mesures coûteuses du PLFSS 2026

A. Cures thermales : hausse massive du Ticket Modérateur

C’est la mesure « coup de rabot » du PLFSS 2026 qui fait le plus réagir. Dans une optique d’économies budgétaires (estimées à 200 millions d’euros), le gouvernement a prévu de réduire drastiquement la prise en charge par la Sécurité sociale.

  • Le changement : Le taux de remboursement du forfait thermal (soins) passerait de 65 % à 15 %.
  • L’impact : Cela signifie que le ticket modérateur (la part qui reste à votre charge ou à celle de votre mutuelle) augmente mécaniquement de 35 % à 85 %.
  • Pour les patients en ALD : C’est un changement majeur. Le projet prévoit la fin de l’exonération du ticket modérateur pour les cures, même si elles sont liées à une Affection Longue Durée. Les patients ALD ne seraient plus couverts à 100 % pour ce poste de soin spécifique, mais tomberaient également au taux réduit (avec potentiellement un reste à charge si non couvert par une mutuelle).
  • Conséquence immédiate : Le reste à charge moyen pour un curiste (avant intervention de la mutuelle) passerait d’environ 200 € à près de 500 € ou plus selon les forfaits.

B. Fauteuils roulants : remboursement intégral (effectif aujourd’hui)

Bien que souvent associée aux discussions du PLFSS pour son financement, cette mesure découle d’une réforme entérinée précédemment dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er décembre 2025.

  • La mesure : La prise en charge intégrale (100 %) des fauteuils roulants (manuels et électriques) par l’Assurance Maladie et les complémentaires santé.
  • Ce qui change : Auparavant, il existait un « reste à charge » parfois très lourd pour les modèles spécifiques ou électriques. Désormais, pour les fauteuils prescrits à partir de cette date, la couverture doit être totale sur la base de tarifs limites de vente refondus.
  • Note technique : Ce n’est pas une « nouvelle » ligne du texte de loi 2026 à proprement parler, mais une application budgétaire qui pèse sur les comptes 2026.

C. Prothèses capillaires : entrée dans le « 100% Santé »

Cette mesure est inscrite pour une application au 1er janvier 2026. Elle vise à corriger une inégalité d’accès pour les personnes souffrant d’alopécie (notamment suite à des chimiothérapies).

Dès 2026 : Pour les prothèses respectant le cahier des charges « 100% Santé » (prix plafonnés), le patient n’aura plus rien à débourser : la Sécurité sociale et la mutuelle couvriront la totalité du coût. Cela inclut souvent une revalorisation des tarifs de base de la Sécu pour rendre les produits de meilleure qualité accessibles sans surcoût.

La disposition : Les perruques (prothèses capillaires) vont intégrer le panier de soins « 100% Santé » (aussi appelé Reste à Charge Zéro).

Le mécanisme : Jusqu’ici, il existait un forfait de remboursement (350 € pour une classe 1, 250 € pour une classe 2) qui laissait souvent un reste à payer.

3. Le doublement des franchises et participations forfaitaires

Le PLFSS 2026 prévoit une mesure impopulaire mais lucrative pour l’État : le doublement des franchises médicales et de la participation forfaitaire.

  • La mesure : La participation forfaitaire sur les consultations passerait de 2 € à 4 €. Les franchises sur les boîtes de médicaments et les transports sanitaires seraient également doublées.
  • L’impact assurantiel : En théorie, les contrats « responsables » (qui représentent 95 % du marché) ont l’interdiction de rembourser ces franchises pour responsabiliser le patient. Cependant, cette mesure a un effet inflationniste indirect puissant :
  1. Baisse du pouvoir d’achat : Les assurés, voyant leur reste à charge augmenter sur le « courant », exigent davantage de leur mutuelle sur les autres postes (optique, dentaire) pour « rentabiliser » leur cotisation.
  2. Coûts de gestion : La gestion de ces flux complexes (recouvrement, tiers payant partiel) génère des coûts administratifs pour les opérateurs.
  3. Pression sur les contrats non-responsables : Une partie du marché (sur-complémentaires) pourrait se développer pour couvrir ces frais, renchérissant le coût global de la protection sociale.

4. La réforme des Indemnités Journalières (IJ) et l’effet de vase communicant

Le gouvernement prévoit de plafonner les indemnités journalières en cas d’arrêt maladie à 1,4 SMIC (contre 1,8 SMIC auparavant). Cette mesure vise à économiser sur les dépenses de la branche Maladie, mais elle reporte la charge sur les entreprises (via le maintien de salaire) et, in fine, sur les contrats de Prévoyance Collective.

Or, la Prévoyance et la Santé sont des vases communicants dans les modèles économiques des assureurs. Si la branche Prévoyance devient déficitaire à cause de ce transfert (évalué à plusieurs centaines de millions d’euros), les assureurs devront redresser l’équilibre global des contrats d’entreprise. Il est fréquent que la « Santé » subventionne la « Prévoyance » ou inversement. La dégradation de la rentabilité de la Prévoyance en 2026 entraînera mécaniquement une exigence de marge plus forte sur la Santé, contribuant à la hausse globale des cotisations « assurances de personnes » pour les entreprises.


Le choc fiscal : la « Taxe Exceptionnelle » PLFSS 2026

Au-delà des transferts techniques, c’est une mesure fiscale directe qui cristallise la colère du secteur et explique la violence des hausses prévues. Face à un déficit public abyssal, l’exécutif a inscrit dans le PLFSS 2026 une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires.

1. Anatomie de la taxe : 1 Milliard€ à trouver

Le projet de loi initial prévoit une taxe ou une contribution exceptionnelle visant à rapporter environ 1 milliard d’euros à l’État.

  • L’assiette : Cette taxe serait assise sur les cotisations perçues (le chiffre d’affaires Santé des assureurs).
  • Le taux : Pour générer un tel rendement, le taux de prélèvement additionnel est estimé à environ 2 % des primes.

2. Mécanisme de répercussion intégrale

Il est crucial de comprendre que dans le secteur de l’assurance santé, les marges techniques sont extrêmement faibles (souvent comprises entre 0 % et 2 % du chiffre d’affaires, l’équilibre se faisant parfois sur les produits financiers).

Par conséquent, une taxe de 2 % sur le chiffre d’affaires ne peut pas être absorbée par les fonds propres des mutuelles sans mettre en péril leur solvabilité. Elle est donc mathématiquement et intégralement répercutée sur l’assuré final.

L’équation est simple : si l’État prélève 2 % de plus, la cotisation augmente a minima de 2 % uniquement pour neutraliser cette taxe, avant même de prendre en compte l’inflation médicale.

L’UNOCAM et le CTIP ont unanimement dénoncé cette mesure, la qualifiant de « taxe sur la santé des Français » et soulignant qu’elle porte la taxation globale des contrats (TSA + TCA) à un niveau record dépassant les 15 % à 16 %, une exception fiscale en Europe.

3. Le risque de l’effet d’aubaine « prudentiel »

Le blocage du PLFSS (décrit au Chapitre 1) joue ici un rôle pervers. Même si, in fine, un compromis politique ramenait cette taxe à 1 milliard ou 800 millions (scénario optimiste), les assureurs, ayant dû figer leurs tarifs en novembre/décembre sur la base du projet initial (1,5 milliard), auront déjà appliqué la hausse maximale.

Il est administrativement impossible de rembourser un trop-perçu de cotisation en cours d’année sans engager des frais de gestion prohibitifs. Le surplus éventuel viendra abonder les réserves de solvabilité, qui ont été entamées par la forte sinistralité de 2024. Le « pronostic » tarifaire pour 2026 doit donc considérer la taxe de 1,5 milliard comme acquise dans le calcul des primes.


Pronostic tarifaire : la fracture entre collectif et individuel

Les prévisions pour 2026 révèlent une disparité marquée selon la typologie du contrat. Si l’inflation médicale de base (+7,3 % de consommation) affecte tous les portefeuilles, les mécanismes de mutualisation et de négociation créent deux vitesses d’augmentation.

1. Tableau de synthèse des augmentations prévisionnelles

Le tableau ci-dessous détaille les composantes de la hausse, en distinguant l’impact sur les contrats d’entreprise (Collectif) et les contrats particuliers (Individuel).

Composante de coût (Driver)Impact moyen collectif (Entreprises)Impact moyen individuel (Ménages)Justification
Inflation Médicale « Naturelle »+ 3,5 %+ 4,5 %Dérive plus forte sur les populations âgées (Indiv.) que sur les actifs (Coll.).
Effet Prix & Transferts (30€, Dentaire)+ 2,0 %+ 2,5 %Ticket modérateur plus lourd sur les gros consommateurs de soins.
Fiscalité (Taxe Exceptionnelle)+ 2,0 %+ 2,0 %Répercussion intégrale, mais ressentie plus durement en individuel (pas de part patronale).
Facteurs Spécifiques+ 0,5 % (Impact Prévoyance/IJ)+ 2,0 % (Effet Âge + Anti-sélection)Le collectif subit le choc des arrêts de travail (IJ) ; l’individuel subit le vieillissement du portefeuille.
PRÉVISION TOTALE 2026+ 3,6 % à + 9,0 %+ 3,4 % à + 12,0 %Sources : Projections cabinets (Addactis, WTW) & Comparateurs.

2. Zoom sur le segment collectif (Entreprises) : entre +3,6 % et +9 %

Selon les projections du cabinet d’actuariat Addactis, les indexations en assurance santé collective devraient se situer dans une fourchette de +3,6 % à +9,0 %.

  • L’impact de la réforme des IJ : Ce segment est spécifiquement touché par le plafonnement des indemnités journalières (voir Chapitre 3.4). Les assureurs cherchant à équilibrer les comptes globaux « Prévoyance + Santé » d’un client entreprise pourraient reporter une partie du déficit Prévoyance sur la Santé, poussant les hausses vers le haut de la fourchette.
  • La fracture taille d’entreprise :
  • Grands Comptes : Ils disposent d’un pouvoir de négociation et de comptes de résultats propres. Si leur consommation a été maîtrisée, ils pourront limiter la hausse autour de 4-5 %.
  • TPE/PME (Contrats Standards) : Elles subiront les hausses mutualisées (« indexation portefeuille ») qui seront mécaniquement élevées (8-9 %) pour absorber les chocs fiscaux et réglementaires sans distinction de consommation réelle.

3. Zoom sur le segment individuel (Particuliers, Seniors, TNS) : vers +10 % et au-delà

Le segment individuel est le plus vulnérable aux chocs de 2026. Les projections techniques d’Addactis évoquent une fourchette de +3,4 % à +10 % , mais la réalité commerciale observée par les comparateurs et courtiers anticipe des pics à +12 % voire +15 % pour certaines populations.

  • Le poids de la fiscalité : Contrairement aux salariés dont l’employeur finance 50 % de la cotisation, l’assuré individuel (retraité, chômeur, étudiant) supporte seul la charge. La taxe exceptionnelle de 2 % se traduit par une perte directe de pouvoir d’achat.
  • La spirale des Seniors : La réforme du ticket modérateur (consultation à 30 €) pèse davantage sur les seniors qui consultent plus fréquemment. L’effet cumulé de l’inflation médicale, de la taxe et de l’indexation à l’âge (le tarif augmente mécaniquement chaque année parce que l’assuré vieillit) crée un effet de ciseaux redoutable. Pour un couple de retraités, l’augmentation annuelle pourrait dépasser les 300 €.
  • Risque d’anti-sélection : Face à ces prix, les assurés en bonne santé résilient (loi infra-annuelle) pour trouver moins cher, laissant dans le portefeuille de l’assureur les profils les plus malades. Pour compenser, l’assureur augmente encore les tarifs l’année suivante, alimentant une spirale inflationniste propre à l’individuel.

Perspectives et conséquences sur le marché

L’ampleur des hausses tarifaires annoncées pour 2026 ne sera pas sans conséquences sur la structure même du marché de l’assurance santé en France.

1. Accélération de la Résiliation Infra-Annuelle (RIA)

La possibilité de résilier son contrat à tout moment (après un an) va jouer à plein. Face à des avis d’échéance affichant +10 % ou +12 %, les assurés vont massivement faire jouer la concurrence dès janvier 2026.

Cela va intensifier la « guerre des prix » sur les affaires nouvelles. Les assureurs pourraient être tentés de proposer des tarifs d’appel agressifs pour capter des clients, tout en augmentant fortement leur stock d’assurés existants, une pratique (le « dual pricing ») surveillée par le régulateur mais difficile à endiguer totalement.

2. Risque de déclassement et de renoncement

Le risque majeur est social. Une augmentation à deux chiffres des cotisations pourrait pousser les ménages modestes (ceux situés juste au-dessus des seuils de la Complémentaire Santé Solidaire – CSS) à :

  • Réduire leurs garanties : Passer d’un niveau « Confort » à un niveau « Eco » ou « Hospitalisation seule », augmentant leur reste à charge en cas de soins courants.
  • Renoncer à l’assurance : Quitter le système assurantiel privé, ce qui constitue une « démutualisation » de fait et un retour à une prise en charge uniquement par la Sécurité sociale, dont le niveau de couverture s’érode (voir Chapitre 3).

3. Vers une redéfinition du Pacte Social?

L’année 2026 pourrait marquer un point de rupture. Le cumul des transferts de charges et de la fiscalité punitive amène les organismes complémentaires à questionner leur rôle. Sont-ils devenus de simples collecteurs d’impôts et payeurs aveugles des désengagements de l’État?

Le blocage du PLFSS 2026, révélateur de l’incapacité de l’État à financer seul son modèle social sans ponctionner le privé, pourrait relancer le débat structurel sur la « Grande Sécu » (prise en charge intégrale par l’État) ou, à l’inverse, sur une clarification des paniers de soins entre le public (le gros risque) et le privé (le petit risque et le confort).


Conclusion

En réponse à la question posée : Quel pronostic pouvons-nous dresser sur l’augmentation des tarifs des complémentaires santé pour 2026?

Le pronostic est celui d’une année noire, mais à géométrie variable :

  • Pour les entreprises (Collectif) : Attendez-vous à des hausses de +3,6 % à +9 %. Les TPE/PME subiront le haut de la fourchette, impactées par la mutualisation et les déséquilibres de la Prévoyance.
  • Pour les particuliers (Individuel) : La situation est plus critique, avec des prévisions de +3,4 % à +12 %, et des pics probables à +15 % pour les contrats seniors.

Facteurs Clés : L’impasse législative (blocage PLFSS) agit comme un multiplicateur de risque, incitant les assureurs à provisionner dès maintenant la taxe exceptionnelle de 1,5 milliard d’euros et les transferts de charges massifs (Consultation 30 €, Dentaire, Franchises). Même en cas d’adoucissement politique de dernière minute (peu probable vu l’état des finances publiques), la mécanique actuarielle est lancée. Les appels de cotisations 2026 reflèteront la réalité d’un système de santé dont le financement dérive et dont la facture est, in fine, présentée à l’assuré complémentaire.