Aller au contenu
Entreprise

Nokia en France : la restructuration sans fin ?

Si le dossier Blédina touche au cœur de nos terroirs, le cas Nokia frappe, lui, au cœur de notre « future » souveraineté numérique. L’annonce de nouvelles coupes dans les effectifs de l’équipementier finlandais en France résonne comme un disque rayé pour les salariés de Nozay (Essonne) et de Lannion (Côtes-d’Armor). Ce n’est pas seulement un plan social de plus, c’est le symptôme de l’essoufflement d’une promesse technologique.

Le spectre d’Alcatel-Lucent

Pour comprendre la fatigue sociale qui règne chez Nokia France, il faut remonter à 2016, lors du rachat d’Alcatel-Lucent. À l’époque, des engagements fermes avaient été pris pour maintenir l’emploi et faire de la France un pôle d’excellence mondial pour la 5G.

Presque dix ans plus tard, la réalité est celle d’une érosion constante. Les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) se sont succédé, grignotant les effectifs vague après vague. Ce nouveau volet s’inscrit dans le vaste plan de restructuration mondial annoncé par le groupe (visant à supprimer jusqu’à 14 000 postes dans le monde d’ici 2026). La France, malgré son statut de « bastion R&D », ne passe pas entre les mailles du filet. Le sentiment dominant est celui d’une normalisation : Nokia France n’est plus une entité protégée par des accords politiques, mais une filiale comme une autre, soumise à la rigueur d’Helsinki.

À lire aussi  Blédina à Villefranche : le glas de la souveraineté alimentaire ?

L’hiver de la 5G

Au-delà de la gestion humaine, ce plan révèle une crise sectorielle profonde. L’euphorie de la 5G est retombée. Les opérateurs télécoms, clients de Nokia, freinent leurs investissements (Capex) face à une monétisation de la 5G plus lente que prévu auprès du grand public et des industriels.

À lire aussi  Blédina à Villefranche : le glas de la souveraineté alimentaire ?

Nokia, pris en étau entre la concurrence féroce des équipementiers chinois (Huawei, malgré les sanctions) et le retour en force d’Ericsson, doit impérativement réduire ses coûts pour préserver ses marges. En France, cela se traduit par une menace directe sur les fonctions « support » mais aussi, et c’est plus inquiétant, sur certaines activités de Recherche & Développement.

La souveraineté numérique en question

C’est ici que le dossier rejoint les préoccupations de l’État. Si l’usine Blédina pose la question de « ce que l’on mange », les laboratoires de Nokia posent la question de « comment l’on communique ».

Le site de Paris-Saclay et celui de Lannion sont des centres névralgiques pour la cybersécurité et les réseaux du futur (6G). En affaiblissant ces équipes, c’est une part de l’autonomie technologique européenne qui s’effrite. La crainte des observateurs est que la France ne devienne, à terme, qu’un simple marché de consommation pour des technologies conçues et pilotées depuis la Finlande ou les États-Unis, perdant sa capacité à faire.

Ce qu’il faut retenir :

  • La récurrence : Ce plan s’ajoute à une longue série depuis le rachat d’Alcatel-Lucent, créant un climat d’insécurité permanente.
  • Le contexte marché : Le ralentissement des investissements 5G oblige les équipementiers à une cure d’austérité mondiale.
  • L’enjeu stratégique : Le risque de voir les compétences critiques (R&D, 6G, Cyber) quitter le territoire, affaiblissant l’écosystème de la French Tech.
À lire aussi  Blédina à Villefranche : le glas de la souveraineté alimentaire ?