Voici un compte-rendu analytique de l’intervention de Sophie Binet (Secrétaire générale de la CGT) lors de la Conférence Travail, Emploi, Retraite du 5 décembre 2025.
1. Introduction et postulat de départ
Sophie Binet ouvre son intervention en réaffirmant la position centrale de la CGT : la demande d’abrogation immédiate de la réforme des retraites. Elle souligne que cette revendication n’est pas idéologique (« ni un totem, ni une lubie ») mais pragmatique, soutenue par des millions de travailleurs. L’objectif est de confronter les « interventions théoriques » à la « dure réalité » sociale.

2. Constat : l’échec de la réforme actuelle
L’analyse de la CGT dresse un bilan sévère des premiers effets de la réforme (recul de l’âge de départ) :
- Précarisation des seniors : le report de l’âge légal ne se traduit pas par plus d’emploi, mais par une explosion du chômage des seniors, des inaptitudes et des arrêts maladie.
- Inégalités accrues : les femmes sont particulièrement pénalisées (obligées d’attendre 67 ans pour une retraite complète), et les travailleurs occupant des emplois pénibles sont maintenus dans des situations intenables.
- Comparaison internationale : Sophie Binet dément l’idée que la France travaillerait moins longtemps, affirmant que l’âge réel de départ est comparable à l’OCDE, le vrai problème français étant le faible taux d’emploi des seniors et les mauvaises conditions de travail.
3. Les propositions de la CGT
Face à ce constat, la CGT avance des contre-propositions structurées autour du retour à la retraite à 60 ans :
- Pénibilité : mise en place d’un véritable système de départ anticipé. Elle cite en exemple l’accord obtenu à la SNCF (3 ans d’anticipation, fin de carrière aménagée) comme modèle à généraliser.
- Jeunesse : validation des années d’études pour le calcul de la retraite afin de redonner confiance aux jeunes générations dans le système par répartition.
- Financement : rejet de l’argument de la faillite financière (démenti par la réaction positive des marchés boursiers). La CGT propose d’augmenter légèrement les cotisations (« part des richesses captée pour financer le capital ») pour financer le système, assumant une hausse des prélèvements obligatoires comme un levier de progrès social.
4. Critique des alternatives « libérales »
L’intervention s’attaque frontalement à deux idées reçues ou solutions alternatives souvent évoquées :
- Contre la capitalisation : la CGT rejette l’épargne retraite individuelle, jugée coûteuse pour les finances publiques (niches fiscales), risquée (volatilité des marchés) et inefficace (exemple du régime RAFP des fonctionnaires). Pour la CGT, la capitalisation ne sert qu’à ouvrir des marchés aux banques et assureurs.
- Contre la « liberté » de partir : Sophie Binet dénonce la rhétorique du choix individuel de l’âge de départ, qui, sans droits collectifs forts, ne serait qu’une « liberté » de partir avec une pension de misère.
5. Stratégie politique et appel à l’action
- Méthode : la CGT ne cherche pas un consensus mou mais un « relevé de désaccords » clair au sein du CESE.
- Référendum : proposition majeure de l’intervention : que les organisations syndicales puissent proposer un sujet de référendum à l’issue de la conférence, pour permettre aux Français de trancher directement la question des retraites, évitant ainsi que le sujet ne soit noyé dans les débats de la présidentielle de 2027.
- Défense de la Sécurité Sociale : appel solennel au Ministre du Travail pour qu’il défende le système par répartition (« trésor national ») plutôt que d’adopter une posture « agnostique » ou gestionnaire.
Synthèse
L’intervention de Sophie Binet vise à délégitimer la réforme en cours par ses conséquences sociales concrètes (chômage des seniors) et à repolitiser le débat en opposant deux choix de société : la capitalisation/individualisation contre la répartition/solidarité. La stratégie finale repose sur l’appel au peuple (référendum) pour contourner le blocage politique.