Le 58e congrès de la Fédération des Employés et Cadres de Force Ouvrière (FEC FO) nous invite à une réflexion nécessaire sur l’état du syndicalisme français contemporain. Au-delà des discours convenus sur la défense des droits et des emplois, une question plus profonde se pose : le syndicalisme actuel représente-t-il encore équitablement l’ensemble des travailleurs ?
Une fusion problématique des revendications
L’analyse du positionnement de la FEC FO révèle une tendance préoccupante : la mise sur un même plan de revendications fondamentalement différentes. D’un côté, les préoccupations légitimes des fonctionnaires, naturellement enclins à défendre le maintien, voire l’augmentation des dépenses publiques qui garantissent leurs emplois et leurs statuts. De l’autre, les attentes tout aussi légitimes des salariés du secteur privé, notamment dans le commerce, qui aspirent avant tout à l’amélioration concrète de leurs conditions de travail et de leur pouvoir d’achat.
Cette confusion n’est pas anodine. Elle traduit une difficulté structurelle du syndicalisme français à articuler des intérêts qui, s’ils ne sont pas nécessairement contradictoires, ne relèvent pas des mêmes logiques économiques et sociales.
Le risque d’une voix confisquée
La question mérite d’être posée frontalement : le syndicalisme n’est-il pas devenu, malgré lui, un outil qui minore la voix spécifique des salariés du privé ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la syndicalisation reste bien plus forte dans la fonction publique que dans le secteur privé. Cette asymétrie se reflète inévitablement dans les priorités affichées, dans les combats menés, dans les compromis négociés. Quand un salarié du commerce réclame des horaires plus stables ou une meilleure rémunération, sa voix se retrouve souvent noyée dans des débats plus larges sur les services publics ou les budgets de l’État.

Pour un syndicalisme différencié et représentatif
Il ne s’agit pas ici de nier la légitimité des revendications des fonctionnaires, ni de remettre en cause le principe même du syndicalisme. Au contraire. Mais reconnaître les spécificités, c’est respecter les réalités.
Les salariés du secteur privé font face à des défis particuliers : précarité accrue, pression de la concurrence, flexibilité imposée, dialogue social parfois inexistant dans les petites structures. Ces problématiques appellent des réponses adaptées, des stratégies syndicales spécifiques, une représentation qui ne soit pas diluée dans des enjeux plus généraux.
Un impératif démocratique
Le syndicalisme français traverse une crise de représentativité. Pour retrouver sa légitimité et son efficacité, il doit reconnaître la pluralité des situations professionnelles et adapter son action en conséquence. Cela implique peut-être de repenser les structures, de créer des espaces de représentation distincts, de permettre aux salariés du privé de faire entendre leur voix sans qu’elle soit systématiquement mise en balance avec d’autres priorités.
Car au fond, la question n’est pas de diviser les travailleurs, mais de mieux les représenter tous. Et cela commence par reconnaître que tous ne vivent pas les mêmes réalités, ne font pas face aux mêmes défis, et n’attendent pas les mêmes choses de leurs représentants syndicaux.