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Dialogue social

Pour un syndicalisme du réel : condition de survie de notre économie face à la caste

Il règne en France une étrange atonie, une forme de lassitude démocratique qui ne dit pas son nom. Alors que les corps intermédiaires semblent se déliter, une vérité fondamentale est trop souvent oubliée, voire méprisée par les élites dirigeantes : la santé d’une nation et de son économie se mesure à la vigueur de ses contre-pouvoirs.

Pour Asfelia, il est temps de poser un diagnostic sans concession. Le syndicalisme en France n’est pas mort, mais il est dévoyé. Il est urgent de rappeler pourquoi un syndicalisme fort, représentatif et ancré dans le réel est non seulement nécessaire pour les salariés, mais indispensable à la survie même d’un capitalisme sain.

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1. La réalité du rapport de force : face à une caste organisée, l’impératif de l’union

Il faut cesser de se bercer d’illusions iréniques. Toute organisation sociale, qu’on le veuille ou non, repose sur des rapports de force, souvent antagonistes, entre des groupes aux intérêts divergents. C’est la mécanique même de l’histoire.

Or, force est de constater un déséquilibre flagrant.

  • La caste dominante est hyper-organisée. Le capitalisme mondialisé ne laisse rien au hasard. Les détenteurs de capitaux et les grandes directions d’entreprises ont structuré leurs réseaux avec une efficacité redoutable.
    • Au niveau international, des instances comme le Forum Économique Mondial (WEF) de Davos dictent une feuille de route idéologique et économique.
    • Au niveau national, les lobbys patronaux et les réseaux d’influence tissent une toile serrée pour défendre leurs intérêts normatifs et fiscaux.
  • L’atomisation des salariés est une faiblesse coupable. Face à cette « ingénierie » de la classe dirigeante, le salarié isolé est impuissant. Pour structurer un rapport de force qui soit non pas destructeur, mais satisfaisant et durable, les salariés doivent s’organiser en miroir.
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Cette structuration porte un nom : le syndicalisme. Mais attention, non pas un syndicalisme de posture, mais un outil pragmatique visant à défendre les intérêts réels de ses membres face à une caste qui, elle, ne perd jamais de vue les siens.

2. Le paradoxe libéral : des syndicats forts pour sauver le capitalisme

Contrairement aux idées reçues, le syndicalisme n’est pas l’ennemi du libéralisme ; il en est le corollaire nécessaire. Un capitalisme sans contre-pouvoir salarial dérive inévitablement vers le capitalisme de connivence ou le féodalisme managérial.

C’est une leçon que les « libéraux » modernes ont oubliée, mais que les pères fondateurs avaient parfaitement identifiée.

L’héritage de Frédéric Bastiat : le grand économiste libertarien Frédéric Bastiat, souvent caricaturé, fut un ardent défenseur du droit de coalition. Dans son célèbre discours à l’Assemblée nationale du 17 novembre 1849, il s’opposait à l’interdiction des syndicats. Bastiat rappelait que la liberté de l’échange implique la liberté de discuter le prix du travail. Pour lui, la loi ne devait pas « frapper la coalition, qui n’est, après tout, que l’accord des volontés, que l’exercice de la liberté ».

Si l’on croit, comme tout libéral conséquent, à la concurrence libre et parfaite, on ne peut accepter une asymétrie d’information et de puissance. Un système où seul l’employeur est organisé, face à une masse salariale éparse, viole les règles de la concurrence. Le prix du travail ne peut être juste que s’il est débattu d’égal à égal. Le syndicat est l’instrument de cette égalité de marché.

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3. Le péril de l’affaiblissement syndical français

La situation actuelle en France est, à cet égard, alarmante. L’affaiblissement du fait syndical n’est pas une victoire pour l’économie, c’est un cancer qui la ronge.

  • Une désertification du secteur privé : avec un taux de syndicalisation qui peine à dépasser les 8% dans le privé, la légitimité des accords signés est structurellement faible.
  • La trahison des clercs : pourquoi ce désamour ? Il serait trop simple d’accuser l’individualisme des travailleurs. La faute incombe d’abord aux appareils.
    • Le manque de représentativité : les directions confédérales se sont enfermées dans des jeux politiques parisiens. Elles sont devenues des rouages de la technostructure qu’elles sont censées combattre.
    • La dérive sociétale : au lieu de se battre pour le pouvoir d’achat, les conditions de travail ou la répartition de la valeur, de nombreux syndicats se sont égarés dans des combats « woke » ou sociétaux qui sont totalement étrangers aux préoccupations du salarié moyen.
    • La fracture public/privé : la surreprésentation massive des fonctionnaires dans les instances dirigeantes syndicales a créé un biais cognitif majeur. Les problématiques du risque, de la compétitivité et de la survie de l’entreprise sont souvent incomprises par des représentants issus d’un monde où l’emploi est garanti à vie.
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Pour un aggiornamento syndical

La France a besoin de corps intermédiaires qui ne soient ni des courroies de transmission du pouvoir politique, ni des officines idéologiques déconnectées.

Pour survivre aux mutations brutales de l’économie, les salariés du privé doivent se réapproprier l’outil syndical. Il faut refonder un syndicalisme de service, un syndicalisme de résultat, capable de parler d’égal à égal avec la caste dirigeante. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que nous éviterons l’affrontement stérile ou, pire, la soumission silencieuse.