Brandt, dont le site historique se situe à côté d’Orléans, est acculé à la fermeture. Mais pourquoi et comment ? Voici une petite rétrospective ponctuelle des faits.

La décision rendue le 11 décembre 2025 par le tribunal des activités économiques de Nanterre, prononçant la liquidation judiciaire du groupe Brandt, constitue un événement de rupture majeure dans l’histoire industrielle de la France. Elle ne marque pas seulement la fermeture de deux sites de production — l’usine de Saint-Jean-de-la-Ruelle près d’Orléans (Loiret) et celle de Vendôme (Loir-et-Cher) — mais symbolise l’extinction définitive de la grande industrie du « Gros Électroménager » (GEM) sur le territoire national.
Cette liquidation met un terme brutal à plus d’un siècle d’histoire manufacturière, laissant sur le carreau près de 700 salariés directs, dont environ 350 sur le seul site orléanais. Au-delà des chiffres, cet événement cristallise les tensions contemporaines de l’industrie française : la difficulté de maintenir une production de masse face à la concurrence internationale, la fragilité des actionnariats étrangers soumis à des aléas géopolitiques, et l’impuissance relative des politiques publiques de « réindustrialisation » face aux logiques financières du secteur bancaire privé.
Ce post dissèque avec précision les mécanismes ayant conduit à cette issue fatale. Il s’attache à répondre à deux questions centrales :
- Quelles sont les causes structurelles et conjoncturelles de la fermeture de Brandt à Orléans?
- Quelles ont été les étapes précises de cette descente aux enfers industrielle?
Pour ce faire, nous adopterons une approche multidimensionnelle, croisant l’analyse financière, l’étude stratégique du groupe algérien Cevital (propriétaire depuis 2014), l’examen du marché de l’immobilier et de l’équipement de la maison, ainsi que la chronique judiciaire et sociale des derniers mois de l’entreprise.
1. CONTEXTE HISTORIQUE ET STRATÉGIQUE : LA LONGUE AGONIE DU « BLANC » FRANÇAIS
Pour comprendre la chute de 2025, il est impératif de replacer Brandt dans une trajectoire historique de long terme, marquée par des restructurations successives et une érosion continue de sa base industrielle.
1. De la forge à la multinationalisation (1924-2000)
Fondée en 1924 par Edgar Brandt, initialement spécialisée dans l’armement léger, l’entreprise a opéré un virage stratégique vers l’électroménager après la Seconde Guerre mondiale, accompagnant l’équipement des ménages français durant les Trente Glorieuses. L’usine d’Orléans (Saint-Jean-de-la-Ruelle) est devenue, au fil des décennies, le cœur battant de l’innovation du groupe, notamment dans le domaine de la cuisson. C’est sur ce site que furent développées et industrialisées des technologies de rupture telles que :
● La pyrolyse : le nettoyage automatique des fours.
● L’induction : Brandt a été un pionnier mondial dans la démocratisation des tables de cuisson à induction, une technologie complexe maîtrisée par les ingénieurs orléanais.
Cependant, dès les années 1990 et 2000, le groupe a subi les soubresauts de la mondialisation. Passé sous le giron de Thomson, puis de l’italien El.Fi, et enfin fusionné avec Moulinex (dont la faillite en 2001 a laissé des traces indélébiles), Brandt a vu son actionnariat se déliter progressivement.
2. L’épisode Fagor et la faillite de 2013
En 2005, la reprise par le groupe espagnol Fagor a donné naissance à Fagor-Brandt. Cette période, qui devait consolider un champion européen, s’est soldée par un échec retentissant. La crise financière de 2008 et l’exposition du groupe au marché immobilier espagnol dévasté ont entraîné la faillite de la maison-mère. En novembre 2013, Fagor-Brandt dépose le bilan, menaçant déjà de disparition les usines françaises.
C’est dans ce contexte de ruine que le groupe algérien Cevital est apparu en sauveur providentiel en 2014. Cette reprise est fondamentale pour comprendre la situation de 2025, car elle a défini la structure industrielle « bancale » qui a fini par s’effondrer.
L’ÈRE CEVITAL (2014-2025) : ANATOMIE D’UN TRANSFERT INDUSTRIEL
La période 2014-2025, sous l’égide de Cevital, est la clé de voûte de l’explication de la fermeture. Présentée initialement comme une stratégie de « colocalisation » gagnant-gagnant, elle s’est révélée être une mécanique de transfert progressif de la substance industrielle vers l’Algérie.
1. La promesse de la « colocalisation »
Lors de la reprise en 2014, Issad Rebrab, patron visionnaire de Cevital, avait théorisé une complémentarité industrielle :
● En France (Orléans et Vendôme) : le maintien de la « tête pensante » (R&D, Marketing), du siège social, et de la production « Premium » (marques De Dietrich et Sauter). L’usine d’Orléans devait se concentrer sur les produits à haute valeur ajoutée technologique (fours connectés, tables à induction complexes) justifiant le coût de la main-d’œuvre française.
● En Algérie (Sétif) : la création d’une base de production de masse (Low Cost) pour les produits d’entrée et de milieu de gamme (lave-linge, réfrigérateurs), destinés à inonder le marché européen et africain.
La logique économique affichée était que les volumes produits en Algérie généreraient la trésorerie nécessaire pour financer la R&D et le maintien des emplois qualifiés en France.
2. La réalité : le basculement vers Sétif
Au fil de la décennie, la balance a penché inexorablement vers le sud de la Méditerranée.
● Investissements massifs en Algérie : Cevital a investi plus de 250 millions d’euros pour construire à Sétif un complexe industriel titanesque de 95 000 m², capable de produire 8 millions d’appareils par an.Ce site est devenu l’un des plus grands d’Afrique.
● Transfert de technologie : les savoir-faire, les process industriels et certaines lignes de produits ont été transférés de la France vers l’Algérie. Des observateurs et analystes algériens qualifient aujourd’hui cette opération de succès stratégique pour l’Algérie, qui a récupéré une marque centenaire et ses technologies pour bâtir sa propre souveraineté industrielle.
● Sous-investissement en France : à l’inverse, les sites d’Orléans et Vendôme ont souffert d’un manque criant d’investissements de modernisation (CAPEX). L’outil industriel a vieilli, perdant en compétitivité face aux usines 4.0 des concurrents asiatiques ou est-européens. Le site d’Orléans, bien que conservant une expertise humaine forte, est devenu une charge fixe trop lourde pour un groupe dont le centre de gravité s’était déplacé.
3. Les turbulences politiques et financières de l’actionnaire
Un facteur exogène majeur a précipité la chute : la situation politique d’Issad Rebrab en Algérie.
● Le « Hirak » et les Procès : à partir de 2019, avec les mouvements politiques en Algérie et la chute du régime Bouteflika, Issad Rebrab a été incarcéré et le groupe Cevital mis sous pression judiciaire et fiscale.
● Le blocage des capitaux : ces turbulences ont paralysé les flux financiers entre la maison-mère algérienne et sa filiale française. Brandt France s’est retrouvée « coupée des vivres », incapable de recevoir les injections de capital nécessaires pour combler ses pertes ou investir. L’entreprise française a dû survivre en autonomie financière, ce qui s’est avéré impossible vu sa structure de coûts et la faiblesse de ses marges.
ANALYSE MACRO-ÉCONOMIQUE : LA CONJONCTURE COMME FACTEUR AGGRAVANT
Si les causes structurelles (stratégie Cevital) sont prépondérantes, la fermeture de 2025 est également le fruit d’une conjoncture économique exceptionnellement défavorable au début de la décennie 2020. L’entreprise a été prise en étau dans un effet de ciseau mortel.
1. La crise de l’immobilier et son impact direct
Il existe une corrélation quasi parfaite entre le marché de l’immobilier neuf et celui du gros électroménager (GEM), particulièrement pour les produits « encastrables » (fours, plaques) qui constituent la spécialité d’Orléans.
● L’effondrement de la construction : en 2023 et 2024, la France a connu une crise historique de la construction neuve et des transactions immobilières, due à la hausse brutale des taux d’intérêt.
● La baisse des ventes (-3,9 %) : moins de déménagements et moins de cuisines neuves installées se traduisent mécaniquement par une baisse des volumes de vente pour Brandt. En 2024, le marché a reculé de près de 4 %, une contraction violente pour une industrie aux coûts fixes élevés.
2. L’inflation des coûts de production
Parallèlement à la baisse de la demande, Brandt a subi une explosion de ses coûts :
● Énergie : l’industrie de la cuisson (qui implique des fours de cuisson pour l’émaillage à très haute température) est énergivore. La flambée des prix du gaz et de l’électricité en Europe a plombé la compétitivité du site d’Orléans par rapport à ses concurrents hors UE.
● Matières premières : le prix de l’acier, du cuivre (essentiel pour les bobines d’induction) et des composants électroniques a augmenté, érodant des marges déjà faibles.
3. La guerre des prix et la concurrence asiatique
Le segment « Milieu de Gamme » (Mass Market), sur lequel les marques Brandt et Vedette sont positionnées, est le plus concurrentiel.
● La percée chinoise et turque : des acteurs comme Haier (Chine), Hisense (Chine) ou Beko (Turquie) ont inondé le marché européen avec des produits technologiquement corrects à des prix défiant toute concurrence. Face à eux, le « Made in France » d’Orléans, grevé par des coûts de main-d’œuvre et de structure plus élevés, n’a pas pu lutter sur le terrain du prix.
● Le positionnement flou : Brandt n’a pas réussi à monter suffisamment en gamme (Premium) pour justifier ses prix, contrairement à des marques comme Miele ou Smeg, restant coincée dans un « ventre mou » du marché, vulnérable à la guerre des prix.
LE SITE DE SAINT-JEAN-DE-LA-RUELLE : AUTOPSIE D’UN OUTIL INDUSTRIEL
Avant de détailler la chronologie de la fermeture, il convient de comprendre ce qui est perdu. Le site d’Orléans n’était pas une simple usine d’assemblage.
1. Caractéristiques techniques et capacités
Situé à Saint-Jean-de-la-Ruelle, le site s’étend sur une superficie considérable de 55 000 m² (dont 38 000 m² couverts).
● Spécialisation : la cuisson. L’usine produisait des fours encastrables, des cuisinières et des tables de cuisson (vitrocéramique, induction et gaz).
● Intégration verticale : contrairement à de simples assembleurs, l’usine d’Orléans intégrait des processus lourds comme la découpe et l’emboutissage de la tôle (40 tonnes d’acier/jour), et surtout l’émaillage des cavités de four, un savoir-faire chimique et thermique complexe nécessitant des installations spécifiques.
● Capacité : le site avait une capacité théorique de 500 000 pièces par an, mais tournait bien en deçà de ce chiffre ces dernières années, augmentant le coût unitaire de chaque appareil produit.
2. Le centre de Recherche et Développement (R&D)
Le site abritait également le cerveau technologique du groupe pour la cuisson, avec environ 60 ingénieurs et techniciens.
● Innovations : c’est ici qu’ont été conçus les algorithmes de gestion de puissance pour l’induction, les interfaces tactiles des fours De Dietrich, et les systèmes de répartition de chaleur. La fermeture entraîne la dispersion de cette « intelligence industrielle », difficilement reconstituable.
CHRONOLOGIE DÉTAILLÉE DE LA FERMETURE (2025)
L’année 2025 a été celle de la descente aux enfers, rythmée par les échéances judiciaires et les faux espoirs.
1. Le premier semestre 2025 : signes avant-coureurs
Dès le début de l’année 2025, les signaux d’alarme se multiplient sur le site d’Orléans.
● Chômage partiel : l’usine connaît des arrêts de production récurrents. La direction invoque officiellement des « pénuries de composants », mais en interne, les syndicats comprennent que les fournisseurs, non payés, bloquent les livraisons.
● Retards de salaires : les premiers incidents de paie surviennent, créant un climat d’angoisse parmi les 700 salariés du groupe.
● Chiffre d’affaires en chute : le chiffre d’affaires prévisionnel pour 2025 s’effondre à 260 millions d’euros, insuffisant pour couvrir les coûts fixes.
2. Octobre 2025 : le redressement judiciaire
● 1er Octobre 2025 : La direction de Brandt France, acculée, se déclare en cessation de paiement. Le tribunal de commerce de Nanterre ouvre une procédure de redressement judiciaire.
● Période d’observation : l’objectif est de geler les dettes et de trouver un repreneur. Deux administrateurs judiciaires sont nommés.
● Novembre 2025 : la douche froide. À la date butoir du 27 novembre, aucun repreneur industriel (de type concurrent ou fonds d’investissement industriel) ne dépose d’offre de reprise globale. Les grands noms du secteur (Whirlpool, BSH, Haier) ont tous regardé le dossier et ont tous décliné, jugeant l’outil trop coûteux et le marché trop dégradé.
3. Décembre 2025 : L’urgence et l’offre de la dernière chance
Face au spectre de la liquidation pure et simple, une solution alternative est montée dans l’urgence.
● Le projet SCOP : des salariés, soutenus par l’entreprise spécialisée dans le retournement Revive, montent un projet de reprise sous forme de Société Coopérative et Participative (SCOP).
● Le périmètre : le projet vise à sauver les deux usines (Orléans et Vendôme) et environ 300 à 370 emplois sur les 700. C’est un plan de sauvegarde partiel, douloureux, mais qui préserve l’existence de l’industrie.
● L’audience du 3 décembre : le tribunal examine cette unique offre. Le jugement est mis en délibéré. L’atmosphère est lourde, les salariés manifestent devant les usines, brûlant des palettes et des documents administratifs en signe de désespoir.
4. Le 11 décembre 2025 : la liquidation judiciaire
Le verdict tombe le jeudi 11 décembre 2025.
● La décision : le tribunal des activités économiques de Nanterre rejette l’offre de SCOP et prononce la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité.
● L’effet immédiat : l’entreprise cesse d’exister juridiquement. Les contrats de travail sont rompus. Les salaires ne sont plus garantis au-delà du 15 décembre (ils seront ensuite pris en charge par l’AGS, le régime de garantie des salaires, mais avec des délais).
LE PROJET SCOP : UNE TENTATIVE DE SAUVETAGE IMPOSSIBLE?
Pourquoi le tribunal a-t-il rejeté l’offre de reprise, malgré le soutien affiché de l’État et des collectivités? L’analyse de cet échec révèle les failles du financement de l’industrie en difficulté en France.
1. Le montage financier et le « trou » de 4 Millions
Le projet de SCOP nécessitait un besoin en fonds de roulement (BFR) et des investissements de redémarrage estimés entre 20 et 25 millions d’euros.
Le tour de table réuni était impressionnant par sa composante publique :
● L’État (Ministère de l’Industrie) : prêt de 5 à 6 millions d’euros.
● Région Centre-Val de Loire & Métropole d’Orléans : apport cumulé d’environ 15 millions d’euros (sous formes de prêts, garanties ou rachat de foncier).
● Total Public : près de 20 millions d’euros étaient sécurisés ou promis par la puissance publique.
Cependant, il manquait un maillon essentiel : le secteur bancaire privé. Pour boucler le budget et crédibiliser le plan d’affaires aux yeux du tribunal, il fallait un engagement des banques à hauteur de 4 à 5 millions d’euros (notamment pour l’affacturage ou les lignes decrédit court terme).
2. Le refus des banques : rationalité économique ou « lâchage »?
Les banques sollicitées ont refusé de s’engager.
● L’argument des banques (implicite) : le secteur du gros électroménager est en décroissance structurelle en France. Financer une entreprise qui a déjà failli deux fois (2013, 2025) dans un marché baissier (-4 %) est contraire aux règles prudentielles de gestion des risques. Elles ont jugé le « Business Plan » de la SCOP non viable à moyen terme.
● La colère des politiques : ce refus a provoqué la fureur de Serge Grouard (Maire d’Orléans) et François Bonneau (Président de Région). Ils ont dénoncé un « système absurde » où 20 millions d’argent public sont bloqués par l’absence de 4 millions d’argent privé. Le sénateur Christophe Chaillou a parlé de « gâchis insupportable ».
Le tribunal, dans sa décision, a suivi la logique comptable : sans bouclage financier complet et garanti, valider la reprise aurait été irresponsable et aurait conduit à une nouvelle cessation de paiement quelques mois plus tard.
LES CAUSES PROFONDES DE L’ÉCHEC : UNE ANALYSE MULTIFACTORIELLE
En synthèse, la fermeture de Brandt à Orléans n’est pas un accident, mais le résultat d’une convergence de facteurs létaux.
Tableau de synthèse des causes
| Catégorie | Facteurs Déterminants | Impact sur la Fermeture |
| Stratégique | Priorité donnée par Cevital au site de Sétif (Algérie). | Désinvestissement chronique des sites français. |
| Politique | Blocage des flux financiers Algérie -> France (Affaire Rebrab). | Asphyxie de la trésorerie de Brandt France. |
Conjoncturel Crise de l’immobilier et inflation des coûts
Chute des ventes (-3,9 %) et érosion des marges.
| (énergie/matières). | ||
| Concurrentiel | Pression des fabricants asiatiques et turcs. | Incapacité à s’aligner sur les prix du marché de masse. |
| Financier | Refus des banques de soutenir le projet SCOP. | Échec de la reprise, liquidation inévitable. |
L’impasse du « milieu de gamme » français
Une cause fondamentale est le positionnement marketing. L’industrie française ne peut survivre qu’en « Hyper-Luxe » (comme l’aéronautique ou la maroquinerie) ou en niche technologique. Brandt a tenté de maintenir une production de masse sur du milieu de gamme, un segment où le coût horaire français (charges comprises) rend l’équation impossible face à la Turquie ou la Chine, surtout sans volumes suffisants pour amortir les coûts fixes.
CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES ET TERRITORIALES
L’impact de la liquidation dépasse largement les murs de l’usine.
1. Le bilan humain : un traumatisme social
● 700 licenciements : la totalité des effectifs est licenciée. À Orléans, ce sont des ouvriers, des techniciens et des ingénieurs souvent présents depuis 20 ou 30 ans. La moyenne d’âge élevée rend la réinsertion difficile sur un marché du travail local qui ne compte plus d’industries similaires.
● La prise en charge : les salariés vont bénéficier du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP), qui garantit une quasi-totalité du salaire net pendant 12 mois. Mais l’angoisse est immense, d’autant que l’annonce est tombée à deux semaines de Noël, créant un choc psychologique fort (« Traumatisme », « Choc », « Écœurement »).
2. L’effet domino sur le tissu local
L’usine Brandt faisait vivre un écosystème de sous-traitants dans le Loiret :
● Logistique et transport : les camions qui livraient l’acier ou expédiaient les fours ne rouleront plus.
● Maintenance et services : les entreprises de nettoyage industriel, de maintenance des machines-outils, de sécurité et de restauration collective perdent un client majeur.
● Fiscalité locale : pour la métropole d’Orléans, c’est une perte sèche de recettes fiscales (Contribution Économique Territoriale).
3. La friche industrielle
La métropole d’Orléans hérite d’un problème urbanistique majeur : 5,5 hectares de friche industrielle à Saint-Jean-de-la-Ruelle. La reconversion de ce site (dépollution, démolition, réaménagement) prendra des années et coûtera des millions d’euros à la collectivité, marquant durablement le paysage urbain de la cicatrice de cette désindustrialisation.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES : QUEL AVENIR POUR LA MARQUE ET LE TERRITOIRE?
1. La marque Brandt : une coquille vide?
Il est crucial de distinguer l’entreprise industrielle (qui disparaît) de la marque commerciale.
● Brandt continue : les marques Brandt, Sauter, Vedette et De Dietrich ne meurent pas. Elles restent la propriété du groupe Cevital.
● Le modèle « importateur » : désormais, un four « Brandt » ou « De Dietrich » acheté chez Darty ou Boulanger sera un produit importé. Il sera fabriqué soit dans l’usine de Sétif en Algérie (qui tourne à plein régime), soit par des sous-traitants en Asie (OEM). La France ne sera plus qu’un marché de consommation, géré par une structure commerciale légère. La « colocalisation » a abouti à une délocalisation totale.
2. L’eéhec de la souveraineté industrielle
Ce dossier est un camouflet pour la rhétorique de la « Réindustrialisation » et du « Made in France » portée par les gouvernements successifs. Il démontre que sans protectionnisme aux frontières de l’Europe, sans patriotisme bancaire, et sans une stratégie industrielle cohérente alignant coûts et gamme de produits, les usines françaises de biens de consommation sont condamnées à disparaître.
Pour le bassin d’Orléans, la page Brandt se tourne définitivement. L’enjeu est désormais de panser les plaies sociales via la cellule de reclassement et de réinventer l’avenir économique du site, loin des cheminées de l’industrie lourde du XXe siècle.